Streaming ou diffusion directe : quel avenir pour la musique indépendante ?

Publié le 21 juillet 2025 à 18:59

Aujourd’hui, diffuser sa musique en ligne n’a jamais été aussi facile pour les artistes. Deux grandes approches coexistent : le streaming d’un côté, la vente directe de l’autre. Deux visions très différentes de la musique… et du lien entre artiste et auditeur.

Le streaming : pratique, puissant, mais biaisé

Le modèle dominant est celui du streaming par abonnement, incarné par Spotify, Deezer ou Qobuz. Pour un forfait mensuel, les utilisateurs ont accès à un catalogue immense, souvent organisé sous forme de playlists conçues par des algorithmes ou par des abonnés qui les mettent à disposition.

Ce système, efficace en apparence, repose en grande partie sur une logique de recommandation personnalisée : les morceaux proposés s’adaptent aux goûts de l’auditeur selon des critères plus ou moins opaques et cette approche présente le risque d’enfermer chacun dans un cocon musical restreint, limitant la découverte et la diversité.

 

Mais le vrai problème pour les artistes réside dans le modèle économique.

Il est de notoriété publique que ces derniers sont très peu rémunérés pour chaque écoute, et que les plateformes favorisent largement les productions des majors, parfois même en truquant les mécaniques de mise en avant.

L'affaire Velvet Sundown est d'ailleurs éloquente à ce sujet mais ce n'est pas nouveau : ce principe existe depuis l'invention de la radio.
Les programmes musicaux ont toujours été largement maîtrisés par les labels qui se servent des ondes pour promouvoir leurs artistes. C'est normal, de bonne guerre pourrait-on dire...

Cependant l'ampleur du phénomène est devenu si global que qu'un artiste indépendant, aussi talentueux soit-il, aura aujourd'hui bien du mal à émerger dans cet océan calibré pour la rentabilité et saturé de nouveautés permanentes répondant à des cahiers de charges précis issus de départements marketing.

Pire, même si il parvient à toucher un public confidentiel, l'investissement nécessaire pour y arriver ne sera probablement pas amorti par les royalties ridicules versées par les plateformes de streaming.

Car à cette logique s’ajoute le phénomène pervers des curateurs de playlists, des sites intermédiaires où les artistes et les labels sont incités à (encore) payer pour intégrer des playlists populaires… sans, bien entendu aucune garantie de résultat.

Portés par l’espoir de quelques milliers d’écoutes (qui ne rembourseront quasiment jamais les sommes investies), les artistes sont donc à nouveau mis à contribution pour des résultats bien souvent médiocres.

Quelle que soit leur talent ou la somme qu'ils investissent, ils seront toujours, en fin de compte, relégués derrière les artistes phares des majors, qui eux, bénéficieront toujours d’une visibilité supérieure grâce à des accords commerciaux avec les plateformes.

 

Bien entendu, pour que les playlists soient mises en avant, les gestionnaires de playlists doivent, à leur tour, payer la plateforme pour obtenir un peu de visibilité sur les écrans d'accueil des abonnés.

 

Ce système alimente en finalement une forme d’économie circulaire toxique à la limite de la Pyramide de Ponzi, qui exploite l’envie légitime des artistes de se faire entendre, tout en les maintenant à la marge en ne les rétribuant pas de manière équitable.

 

Bandcamp : une alternative encore bien vivante

Face à cette logique industrielle complétement biaisée, une autre voie existe, celle d’un lien direct entre l’artiste et son public. C’est le principe fondateur de Bandcamp, plateforme appréciée par de nombreux musiciens indépendants mais malheureusement peu connue du public.

 

Ici, pas (ou peu) d’algorithmes ni d’intermédiaires. Les auditeurs font la démarche d'explorer, de découvrir, et d'acheter (parfois en payant plus que le prix demandé). La logique d'abonnement illimité cède ici la place à une relation plus personnelle entre l'artiste et son public.

Même si l’ergonomie de Bandcamp laisse parfois à désirer, et que ses outils mériteraient une mise à jour sérieuse, l’essentiel est ailleurs : une communauté fidèle, une philosophie respectueuse des artistes et, surtout, un espace où la musique n’est pas qu’un flux d'information parmi d’autres.

 

Malgré tout, l’avenir de Bandcamp semble incertain. Après un rachat par Epic Games en 2022, puis une revente rapide à une entreprise obscure sans impact notable, les inquiétudes sont nombreuses. La plateforme semble figée, peu soutenue techniquement, et son développement stagne.

Pour beaucoup d’artistes, dont je fais partie, cette inertie est frustrante. On aimerait que Bandcamp prenne un nouveau souffle, à la hauteur de son importance dans l’écosystème indépendant.

Subvert : une nouvelle piste en construction

C’est dans ce contexte qu’émerge Subvert, un projet encore jeune, mais prometteur. L’idée est simple : proposer une alternative à Bandcamp, avec une plateforme de diffusion musicale indépendante, détenue par ses utilisateurs, sans publicité, ni algorithmes manipulateurs.

Subvert reprend les fondamentaux : mise en ligne directe, contrôle total par les artistes, interface claire, marketplace efficace. La roadmap est ambitieuse, transparente, et les premières fonctionnalités laissent entrevoir une vraie volonté de proposer un outil moderne, communautaire et équitable.

Bien sûr, de nombreuses questions restent ouvertes, notamment sur le financement et la viabilité à long terme du projet. Mais c’est précisément ce genre d’initiative qui peut redonner espoir à celles et ceux qui créent en marge de l’industrie dominante.

 

En tant qu’artiste, je ne prétends pas échapper totalement aux plateformes de streaming. Elles sont devenues incontournables pour toucher un large public, même si l’on produit une musique expérimentale ou confidentielle. 

Mais il ne faut pas se faire d’illusions : sans l’appui d’un gros label, il est illusoire de croire qu’on peut émerger uniquement via ces plateformes, encore moins en investissant dans un système de playlists biaisé.

 

C’est pourquoi je pense qu’il est urgent d’explorer et, surtout, de soutenir des alternatives. Bandcamp reste un outil précieux, même imparfait.

Et Subvert pourrait en devenir un autre, encore plus libre, plus transparent, plus respectueux des artistes.

 

À suivre donc…

Ajouter un commentaire

Commentaires

Il n'y a pas encore de commentaire.