Time does not exist.
It is but an illusion, a phantasmal construct
shaped by the restless interplay of memory
and imagination.

Time Does Not Exist s'écoute comme une transmission oubliée venue d’un monde dystopique figé dans l'imaginaire des années 50.
Une époque où la promesse du progrès est discrètement hantée par la peur de l’effondrement. Sur fond d’angoisse de la guerre froide et d’ambitions technologiques galopantes, l’album dérive à travers un paysage sonore où idéalisme et inquiétude s’entrelacent.
Des enregistrements radio d’archives — discussions scientifiques, bulletins météo, voix lointaines — surgissent tels des souvenirs fantomatiques, intégrés aux textures mouvantes d’un synthétiseur modulaire.
Ce qui commence comme une fascination devient peu à peu inquiétant, comme si le tissu même du temps se désagrégeait sous le poids des réalités.
L’avenir, autrefois si radieux, devient hors de portée.
Ce disque n’est pas un regard vers le passé, mais une question persistante :
et si l’âge d’or avait déjà marqué la fin ?
Enregistré entre Janvier et Mai 2025 - Almost Random
Mastering : Adrien Perinot - www.projethomestudio.fr
Photo : NASA Archive - National Advisory Committee for Aeronautics (NACA) Lewis Flight Propulsion Laboratory - Cleveland, Ohio. Oct 1957.
Distribution Numérique : TQiDR
Part A Memory
#1 Dealing with the Future
À la fin des années 1950, l’essor de l’astronautique — né des cendres de la Seconde Guerre mondiale — ouvre sur une vision du futur aussi fascinante qu’inquiétante.
Tandis que les missiles nucléaires intercontinentaux menaçent l'humanité, les rêves de conquête spatiale enflamment les imaginaires.

À la radio, des voix d’autorité promettent un monde où l’audace et la science aboliront les limites de l’impossible — quel qu’en soit le prix.
#2 Synchronous Detection
Dans la lueur vacillante des amplificateurs à lampes, les ondes radio traversent les murs des foyers américains.
Elles transportent des voix lointaines, des vérités incertaines, des fragments du monde en train de se transformer.
Synchronous Detection évoque cette époque où la détection synchrone devient l'instrument invisible de la communication de masse.

Cette découverte, qui permet d'isoler un très faible signal radio noyé dans le bruit électromagnétique, ouvre la voie à la diffusion d'informations sur des distances autrefois inaccessibles avec un matériel simple et bon marché.
Mais ce progrès n’est pas sans ambivalence : ce qui permet d’isoler un signal dans le chaos peut aussi servir à véhiculer l'angoisse et la propagande.
Ici, la mythologie naissante de la Guerre Froide s’insinue dans les esprits, entre banalité domestique et menace latente.
L'illusion d’un avenir radieux porté par les machines semble déjà entaché de sa propre fin programmée et inéluctable.
#3 Reality Offset
Une voix chaleureuse annonce la fin du monde. Juste avant la météo, juste après les résultats du base-ball.
Reality Offset capture ce vertige propre à l’Amérique d’après-guerre : une époque où les nouvelles les plus terrifiantes côtoient l’euphorie marchande, où la menace nucléaire s'efface derrière le sourire d’une actrice vantant une crème hydratante miracle sponsorisée par l'industrie Hollywoodienne en plein essor.

Ce morceau s’ouvre sur les sonorités nostalgiques d’un journal radiophonique local de la fin des années 50 et s'achève sur une absurdité surréaliste.
Dans cette brèche sonore aux rythmiques instables s’engouffre l’esprit d’un temps où l’irrationnel cohabitait avec la science, où la propagande se maquillait en divertissement.
"And you'll like that"
#4 Great God of Darkness
Great God of Darkness est une pièce ambient expérimentale construite autour d’une interview de Clyde William Tombaugh, l’astronome américain découvreur de la planète Pluton en 1930.
Par une manipulation sonore subtile et méthodique de cette archive de 1954, ses mots sont réassemblés pour laisser entrevoir un récit troublant : les décolorations mystérieuses autrefois observées à la surface de Mars, avant les sondes spatiales Viking et les grands télescopes terrestres, seraient les vestiges de monuments érigés par une divinité oubliée — le Dieu des Ténèbres.
La vérité ici est fabriquée — avec précision. Un décalage volontaire entre certitudes et croyances, qui résonne comme un axiome complotiste, lorsque le mythe contamine la science en s'appuyant sur des interprétations volontairement biaisées.
#5 Numbers Station
Un signal faible et saturé de bruit où perce une voix mécanique débitant une suite de chiffres sans émotion ni logique apparente.
Numbers Station plonge dans l’univers clandestin des stations de nombres, ces émetteurs fantômes nés de la Guerre Froide qui transmettent, encore aujourd'hui, des messages codés à des agents invisibles.
Le morceau s’enroule autour de motifs répétitifs rythmés par les parasites de ces fréquences isolées.
À l’écoute, on devine un code, une structure secrète, un sens réservé à ceux qui possèdent la clef.
Part B - Imagination
#6 Contact with Beacon 23
Perdue dans l’obscurité et le néant interstellaire, la station Beacon 23 émet son signal.
Régulier, précis, inlassable.
Un point fixe dans un vide sans fin, passage obligé et rassurant pour les nefs spatiales qui relient les étoiles tels les navires de l'ancien temps.
À son bord, un seul être humain veille.
Gardienne volontaire ou prisonnière des confins, nul ne le sait.
Sa voix ne traverse l’espace que pour guider les rares vaisseaux en transit.
Contact with Beacon 23, inspiré de la nouvelle de Hugh Howey, évoque cette solitude absolue dans un cosmos indifférent. Le morceau s’ouvre sur des nappes lentes et distantes, comme des ondes égarées dans le silence intersidéral. Puis vient le contact : un échange bref, impersonnel, presque fantomatique. Juste assez pour orienter un vaisseau vers la lointaine Sigma Draconis.
Juste assez pour rappeler que quelqu’un, quelque part, continue de veiller dans les ténèbres.
#7 Total Eclipse
Il ne reste plus rien de la civilisation qu’ils sont venus étudier. Juste des ruines muettes, rongées par le temps, et le souvenir diffus d’une grandeur éteinte.
Total Eclipse s’inspire de la nouvelle de John Brunner, dans laquelle une expédition humaine sur Sigma Draconis découvre non seulement les vestiges d’une espèce disparue, mais aussi, peu à peu, sa propre fin.
Abandonnés par la Terre, condamnés à survivre sur une planète étrangère aux hivers implacables, les membres de la mission deviennent les ultimes témoins d’un double effondrement : celui d’un peuple alien inconnu, et celui de leur propre humanité perdue sur une planète hostile.
Le morceau se construit sur cette dualité : mélodies superposées, dissonantes, comme issues de mémoires parallèles, mais subtilement liées par des motifs cachés — échos de pensées, réminiscences croisées.
Total Eclipse raconte des civilisations qui s’ignorent, irrémédiablement séparées par l’espace et le temps mais unies dans la chute.
Un chant mélancolique pour les derniers feux de l’intelligence, sous un ciel noir parsemé d'étoiles inaccessibles.