Explorations Electromagnétiques

Publié le 27 mai 2025 à 18:43

WebSDR : le récepteur radio universel

Parmi les outils que j’utilise régulièrement dans mes productions musicales, il en est un qui sort véritablement de l’ordinaire : le Wide-band WebSDR de l’université de Twente, aux Pays-Bas.

 

Qu’est-ce qu’un WebSDR ?

Un WebSDR (Software Defined Radio) est, pour faire simple, un récepteur d’ondes radio accessible via Internet.
Son utilisation est aussi intuitive qu’un poste de radio traditionnel : on sélectionne une fréquence et l’audio correspondant est diffusé en temps réel dans le navigateur.

Le modèle "wide-band" de Twente est particulièrement remarquable car il permet de capter toutes les émissions comprises dans les bandes longues, moyennes, courtes. Cela inclut les stations de radio classiques, les communications CB, les transmissions militaires ou encore celles des radioamateurs.

 

Ce récepteur radio en ligne n’est pas unique en son genre — il existe plusieurs instances de WebSDR à travers le monde, avec des interfaces plus ou moins conviviales — mais celui de Twente se distingue à plus d’un titre.

Historiquement, il s'agit probablement du premier WebSDR accessible au public, mis en ligne dès 2008, mais surtout, il offre donc cet accès complet à une très large plage de fréquences radio comprises entre 0 et 25 MHz.

 

Le système, maintenu depuis l'origine par les membres du club radio-amateur ETGD de l'université, est constitué d'une antenne Miniwhip reliée à un serveur web par l'intermédiaire d'un récepteur à large bande développé par les étudiants.

Le circuit de réception et l'antenne sur le toit de l'université de Twente

Le WebSDR comme outil d’exploration sonore

Bien entendu, un WebSDR est une véritable mine d’or pour les sound designers, les musiciens expérimentaux ou tout simplement les curieux de l’univers radio.

 

L’interface du WebSDR, avec son apparence d'autre temps, peut rebuter à première vue. Mais une fois les bases comprises, la navigation dans le spectre devient intuitive. L’élément central est la vue Waterfall, une représentation graphique où la brillance des tracés indique la puissance des signaux. Cela permet de repérer en un clin d’œil les fréquences actives ou intéressantes.

 

 

En zoomant suffisamment, l’interface affiche également les différentes bandes radio, ainsi que les pays ou types d’usagers associés. Certaines stations fixes sont même identifiées automatiquement, comme ces pirates russes aux alentours de 10.460 Mhz.

Le déplacement du curseur de fréquence, comme sur un récepteur physique, permet de scanner les différentes bandes à la recherche de signaux intéressants.

 

Le système propose également des outils d’affinage de la réception : réglage de la modulation (AM, FM, USB, LSB…), ajustement de la largeur de bande, filtres de bruit, etc. Et bien entendu, un bouton permet d’enregistrer le flux audio au format .WAV, idéal pour un usage ultérieur en studio.

 

Cet exemple a été enregistré le matin du 27 mai, au alentours de 14,8 kHz. Du bruit, des interférances, des radios américaines et asiatiques... le tout sur une petite plage de quelques centaines de Hertz.

 

A la chasse aux Stations de Nombres

Parmi les sons les plus intrigants qu'il est possible de capter avec le récepteur de Twente, il y les fameuses stations de nombres, ces mystérieux émetteurs qui, depuis la guerre froide, égrènent des suites de chiffres de manière apparemment aléatoire.

Leur origine et leur but restent largement inconnus, ce qui contribue à leur aura étrange.

Pour espérer avoir une chance de les enregistrer, il faut tout d'abord noter les heures probables de diffusions recensées sur le site Priyom.org qui centralise les informations sur le sujet. C'est d'ailleurs un excellent point de départ pour en apprendre plus sur ces émetteurs.
Les stations y sont référencées, ce qui qui permet de déterminer leurs caractéristiques : heures et modes de diffusion, types de messages et, bien entendu, la fréquence sur laquelle régler le récepteur.

 

Une source infinie de son brut

Au delà des stations de nombres, l’exploration du spectre, guidé par les tracés lumineux sur l'écran, peut se transformer en véritable chasse au trésor sonore : voix étrangères noyées dans la statique, messages codés, discussions lointaines, interférences étranges…

En sélectionnant un mode de réception différent de celui de l'émission, les sons deviennent fantomatiques et étranges. Ce qui en fait des sources idéales pour créer des ambiances dystopiques ou des textures pour du dark-ambient.

Par exemple, ici, il s'agit d'un enregistrement d'une radio qui émet en modulation d'amplitude (AM) décodée dans les modes UBS ou CW.

 

Dans un contexte de production de musique électronique, le WebSDR peut s’apparenter à une forme de field recording spectral, lorgnant sans réserve vers la musique concrète.

 

Les sons captés peuvent être intégrés directement dans un sampler, ou traités via des plugins comme Life de XLN Audio pour en extraire des sonorités surprenantes.

Ici, j'ai simplement importé le fichier précédent dans Life, et après quelques réglages rapides, j'ai obtenu cette petite boucle rythmique.

Le son est brut mais, en utilisant des effets créatifs, il peut dès lors servir pour agrémenter ou ajouter de la profondeur et de la texture à un morceau complet.

 

Les possibilités sont infinies et les enregistrements issus de ces voyages électromagnétiques sont une source d'inspiration permanente.

 

Dans mon morceau Back to Forbidden Planet, on peut, par exemple, entendre un échange CB enregistré par hasard en 2023 sur le site WebSDR de Twente.

Le son y est utilisé brut, sans aucun effet supplémentaire rajouté au mixage.
Il ajoute une profondeur inattendue avec ces voix brouillées surgies de nulle part dont on devine quelques mots...

 

Plus récemment, j’ai capturé quelques transmissions de stations de nombres qui figureront dans un titre à paraître sur l'album prévu à l'automne.

Ces sons bruts, imparfaits, mais chargés de mystère, agissent comme des fragments de réalité attrapés au hasard.

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